27 juin 2024

Investir passivement : la voix de la raison ?

Trop souvent nous lisons des articles qui confrontent le mode d’investissement passif à son contraire, l’investissement actif. Or, ces deux manières d’investir s’avèrent être, à bien des égards, complémentaires. Explications.

De quel univers parle-t-on ? 

Pour commencer, il est important de différencier l’approche au niveau des fonds de celle de la stratégie de placement. 

Un fonds passif réplique un indice de référence avec pour objectif de générer le rendement moyen du marché. L'investissement indiciel qui cherche à reproduire et à détenir un ou plusieurs grands indices de marché en est un très bon exemple. Dans ce cas de figure, il n'y a pas d'équipe de gestion qui prend les décisions d'investissement. A l’opposé, un fonds actif fait appel à un gestionnaire de fonds rémunéré pour sélectionner les titres et espérer générer des rendements plus élevés qu’un indice de référence. En d’autres termes, un fonds d'investissement géré activement est un fonds dans lequel un gestionnaire ou une équipe de gestion prend des décisions sur la manière d'investir l'argent.

Concernant la stratégie, une gestion passive se réfère généralement à une stratégie d'achat et de conservation d'un portefeuille (stratégie « buy-and-hold ») pour des horizons d'investissement à long terme, avec un minimum d'opérations sur le marché pour en réduire les coûts. Par opposition, une gestion active sous-entend des décisions tactiques avec des sur- respectivement sous-pondérations de certaines positions par rapport à la stratégie. 

Investir passivement, vraiment ?

Venons-en au cœur du sujet : pourquoi investir passivement ? A l’échelle d’une structure telle que celle de Trianon, où nous sommes amenés à gérer et suivre plusieurs stratégies de portefeuille ainsi qu’une plateforme de fonds, nous nous devons d’appliquer une approche pragmatique car les ressources en temps et en talents ne sont pas infinies.

En ce sens, investir passivement sur certaines classes d’actifs est un impératif pour nous libérer du temps et ainsi nous permettre de concentrer nos forces sur des classes d’actifs plus inefficientes et complexes. A titre d’exemple et pour rester local, nous pouvons citer les obligations suisses comme marché mature et efficient (hors des périodes de fortes variations de taux), donc propice à la gestion passive. Par opposition, nous trouvons le marché de l’immobilier suisse qui est par nature relativement inefficient et ainsi propice à générer de la valeur en cas de bonne gestion. Au risque d’être réducteur, nous pourrions caricaturer cette philosophie en appliquant une approche active sur les marchés privés et une approche passive sur les marchés publiques. Un tel raccourci peut être trompeur puisqu’il existe de nombreuses exceptions mais a le mérite d’être simple et explicite. 

Il reste à aborder la question de la stratégie : à quelle fréquence rebalance-t-on le portefeuille et quelles sont les critères pour effectuer un rééquilibrage des positions ? Avec de nombreux portefeuilles sous gestion, nous voyons l’opportunité de procéder à du « netting » des positions, pour autant que l’occasion se présente. Même avec des fonds uniquement indiciels, la gestion à proprement parler de la stratégie nécessite également du temps et des ressources qui sont non négligeables. Imaginez alors le scénario avec un portefeuille en gestion purement active, et ce, sans compter d’éventuels impératifs au niveau des liquidités tels que nous les rencontrons souvent sur les plans dit « 1e ».

Et la gouvernance dans tout ça ?

Nous voyons ainsi que la gouvernance joue un rôle prépondérant dans la manière dont nous allouons les ressources de l’équipe en charge des investissements. Avec une gestion purement active, le risque est de surcharger les décideurs et gestionnaires. Ce qui peut rapidement engendrer une perte de lucidité et des erreurs de gestion. A l’autre extrême, une approche purement passive peut se révéler dangereuse sous bien des aspects (où est la limite d’une intervention « active » dans la gestion des portefeuilles en temps de crise ?). Le compromis de ces deux mondes semble être le meilleur choix, du moins, d’un point de vue de la gouvernance. Avoir des décideurs alertes et engagés, impliqués dans la gestion et bien informés des opportunités et défis de chaque classe d’actif est une réponse pragmatique à la complexité du monde des investissements. Choisir ses batailles en fonction du temps et des compétences à disposition, voilà qui est raisonnable et raisonné pour la gestion des investissements d’une institution de prévoyance. Avec une telle approche, investir passivement prend tout son sens sans pour autant exclure d’y adjoindre des composantes en investissement actif dans les classes où une réelle plus-value y est le plus probable. 

Maxime Corbaz
Investment Advisory Manager